Accrochée à la lisière nord-est des Apennins, la Pietra di Bismantova surgit du paysage comme une sentinelle solitaire, un plateau calcaire audacieux qui défie les lois de la nature. Pour tout Parmesano curieux, randonneur en quête de panorama ou amoureux de légendes, ce monolithe est une échappée belle à portée de main. Située à moins de deux heures de route de Parme, dans la province voisine de Reggio Emilia, la Pietra est bien plus qu’un simple rocher : c’est un lieu de mystère, de nature brute et d’histoires fascinantes.
Un rocher au profil inoubliable
La première fois qu’on aperçoit la Pietra di Bismantova, on pourrait croire à un décor de film d’aventure. Cette formation rocheuse s’élève à près de 1047 mètres d’altitude et domine la vallée environnante de son profil plat et abrupte. Elle évoque un pilier géologique semblable aux mesas américaines ou à certaines falaises corses. Mais ici, en plein cœur de l’Émilie-Romagne, ce monument naturel attire randonneurs, alpinistes et touristes en quête de grand air ou de mythes anciens.
Classé depuis 1988 zone protégée au sein du Parc national de l’Appennino Tosco-Emiliano, le site est aussi réputé pour la richesse de sa biodiversité : forêts de hêtres, prairies alpines ponctuées d’orchidées au printemps et une faune variée allant du renard au faucon pèlerin.
Un itinéraire de randonnée accessible à tous
Ce qui frappe à Bismantova, c’est l’accessibilité. Contrairement à d’autres défis de l’Apennin, la Pietra se laisse approcher sans besoin d’être un montagnard aguerri. Le sentier principal, balisé et bien entretenu, démarre depuis le parking de Piazzale Dante, à environ 750 mètres d’altitude. Comptez environ 40 à 50 minutes de marche pour atteindre le sommet. L’ascension, bien que courte, traverse une série de virages en forêt, une petite via ferrata facile et débouche sur un plateau somptueux aux allures de pelouse suspendue dans les airs.
Le panorama, une fois au sommet, est spectaculaire : sur 360 degrés, la chaîne des Apennins d’un côté, la plaine du Pô de l’autre, et parfois, par temps clair, les lointains sommets alpins. C’est l’endroit rêvé pour pique-niquer, méditer ou simplement respirer un air bien plus pur qu’en ville.
Quelques conseils pratiques :
- Évitez les week-ends de grande affluence estivale : l’endroit peut vite se trouver saturé.
- Prévoyez de bonnes chaussures même pour une courte randonnée : la roche peut être glissante, surtout par temps humide.
- Une gourde remplie s’impose, il n’y a pas de point d’eau au sommet.
Un site sacré, entre foi et superstition
Si la Pietra fascine depuis l’Antiquité, ce n’est pas seulement pour sa beauté. De tout temps, elle a été investie d’un pouvoir presque mystique. Elle était, selon certains archéologues, un lieu de culte préchrétien. L’atmosphère y est particulière — silence profond, vents soudains, lumière dorée au crépuscule —, autant d’éléments qui nourrissent l’imaginaire collectif.
Dante Alighieri, dans sa Divine Comédie, évoque la Pietra di Bismantova au chant IV du Purgatoire. Il compare l’ascension du mont du Purgatoire à celle de la Pietra — preuve que ce rocher imprégnait déjà l’imaginaire italien au début du XIVe siècle. C’est probablement lors d’un de ses nombreux voyages en Toscane et Émilie qu’il la découvre et en garde une impression si forte qu’il la consigne à jamais parmi ses vers :
« Vassi in Sanleo, e discendesi in Noli / montasi su in Bismantova… »
Les légendes qui entourent la roche
Dans les villages aux pieds de la Pietra, comme Castelnovo ne’ Monti, les vieux racontent encore des histoires transmises de génération en génération. On évoque une grotte secrète servant de refuge aux moines, un trésor enfoui par les Templiers, ou encore des apparitions lumineuses inexpliquées. L’histoire la plus populaire ? Celle de la “Fata della Pietra”, une fée blanche gardienne du plateau supérieur, apparaissant aux enfants perdus ou aux voyageurs égarés au crépuscule.
D’autres rumeurs font état d’un lien ésotérique avec les étoiles : certains affirment que des alignements astrologiques relient la Pietra aux pyramides d’Égypte ou à Stonehenge (!). Rien de scientifiquement prouvé évidemment, mais ces contes ajoutent une touche de magie à la randonnée.
Un paradis de l’escalade
Entre mai et octobre, les passionnés de grimpe s’attaquent aux parois verticales de Bismantova. Avec près de 200 voies recensées et régulièrement entretenues, la Pietra est un terrain d’entraînement recherché, surtout dans le centre-nord de l’Italie. Les cotations vont du 4 au 8b, autant dire que chacun peut y trouver son compte.
Pour les curieux, le mur SSW (sud-sud-ouest) est l’un des plus iconiques, offrant une ascension en face du soleil couchant. Des clubs de Reggio Emilia et de Modène y organisent régulièrement des cours d’initiation et sorties encadrées.
Une virée qui allie nature et gastronomie
Pas besoin de choisir entre grand air et grande bouffe. Dans cette portion de l’Émilie-Romagne, on passe aisément de la marche à la fourchette. Après l’ascension, une halte dans les trattorie de Castelnovo ne’ Monti vous permettra de goûter au Parmigiano Reggiano de montagne — plus corsé que celui de la plaine —, aux gnocchi di polenta ou encore à la torta di erbe, une tourte rustique à base de blettes et de ricotta.
Pour ceux qui aiment rapporter un souvenir gastronomique, une visite à la Coopérative Latteria Sociale di Carnola est vivement recommandée. Là, les producteurs locaux vendent leur parmesan vieilli parfois plus de 30 mois à prix plus doux que dans les grandes villes.
Comment s’y rendre depuis Parme ?
Depuis Parme, comptez environ 1h45 de route direction sud via Langhirano, puis en passant par Palanzano et Ramiseto. Ce n’est pas l’itinéraire le plus rapide mais c’est, de loin, le plus beau : des vallées boisées de la Val Parma aux premiers contreforts rocheux de l’Apennin, chaque virage est un petit voyage.
Pour les adeptes des transports en commun, le plus simple est de rejoindre Reggio Emilia en train puis de prendre un bus jusqu’à Castelnovo ne’ Monti. Attention cependant : les horaires sont parfois irréguliers, surtout hors saison. Une alternative serait de louer un véhicule à Parme pour une liberté maximale.
Un site à redécouvrir à chaque saison
Si le printemps reste la période la plus prisée pour son climat doux et ses fleurs alpines, d’autres saisons réservent des surprises :
- L’été offre un point d’échappée sur les foules de la plaine. Le plateau devient un vrai refuge face à la chaleur de la vallée.
- L’automne, avec ses couleurs flamboyantes, est sans doute la saison la plus photogénique : les bois de hêtres se parent d’or et d’orange, l’air devient cristallin.
- L’hiver, enfin, transforme la Pietra en bastion silencieux recouvert de givre, où seuls les marcheurs bien équipés s’aventurent.
En somme, que vous soyez de passage à Parme ou résident en quête d’escapade authentique, la Pietra di Bismantova mérite amplement une journée (ou plus) de votre agenda. Elle combine ce que l’Émilie-Romagne offre de meilleur : nature hypnotisante, traditions vivantes, gastronomie généreuse et ce supplément d’âme qui donne envie d’y revenir.